Comment imaginer qu’on ait pu créer en France une loi pour « délit de solidarité » ? Voilà l’état d’esprit de notre pays : on peut être conduit devant les tribunaux pour avoir porté secours à personne en danger. Bien sûr, on nous explique que cette loi visait à lutter contre les filières de passeurs qui font commerce de la misère. Il n’empêche, plusieurs personnes ont déjà été condamnées à de la prison avec sursis après avoir porté assistance à des migrants de façon désintéressée. Fort heureusement, un amendement vient de dépénaliser ce fait dans la nouvelle loi « asile-immigration » adoptée en première lecture le dimanche 22 avril.

Mais beaucoup craignent que ce soit le seul fait positif de ce projet de loi. On a tous encore en mémoire les crispations et les controverses jusque dans le camp de la majorité que sa discussion a provoquées à l’Assemblée nationale : ambiance tendue, débats houleux, cacophonie, divisions, slogans à l’emporte-pièce du style « moins de réfugiés, plus d’expulsés »… Mais peu de choses susceptibles de permettre de mesurer les défis à relever.

Face à la radicalisation du débat public en France et même en Europe, nous avons tous besoin d’une politique claire sur l’immigration, pas nécessairement une politique dure. Il est temps de se mettre à la hauteur de notre devoir d’hospitalité. Combien d’associations, qui ont déjà suscité un climat de mobilisation et engagé un accueil créatif, réclament un tel débat. Pourquoi sauter le temps de la délibération critique, qui fait partie intégrante de la démocratie, et se contenter d’une politique d’opinion ? On ne convaincra pas un peuple frileux de s’ouvrir aux autres, si l’État et ses représentants ne nous aident pas à nous sortir de nos peurs, où tout est amalgamé : migration, désordre dans certains quartiers, faillite de l’intégration… L’hospitalité n’est pas seulement une question de morale individuelle, mais aussi de politique. Alors, face à une immigration qui n’est pas un phénomène de passage, qui nous fera sortir du chaos de l’inhospitalité ?