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« L’héritage impossible »

Posté le 14/05/2018

Mai, nous y sommes. La sève monte dans les jeunes pousses. Depuis longtemps les jonquilles embellissent les prairies. Les grappes de bourgeons promettent de belles fleurs… « En mai, fais ce qu’il te plait ! » Voici donc le temps de nommer nos désirs, de définir et de faire mûrir des projets.

Il y a juste 50 ans, la France s’est offerte un beau mois de Mai. Des jeunes ont bousculé le pays, pris la parole, créant l’agitation. Pendant plus d’un mois, le pays tout entier a vécu au rythme des grèves et des occupations. Un événement pas du tout prévu au programme. Il fait maintenant partie de notre histoire, mais comme une trace indéfinissable. Qui ose en parler avec des mots compréhensibles susceptibles de donner du sens pour aujourd’hui ?

« Mai 68, l’héritage impossible » titre le sociologue Jean-Pierre Le Goff. Bien des historiens ont fait un travail d’analyse considérable, mais les interprétations restent très contrastées. Pour les uns, ce fut un mouvement de libération, et pour d’autres la « chienlit ». Un mouvement porté par un souffle démocratique pour certains, du « carnaval » et un « psychodrame » pour d’autres. Sans compter les discours de détestation anti-68 cherchant à liquider l’héritage.

Certes la société française de 2018 est bien éloignée de celle de 68. Et pourtant « la prise de parole » propre à ce mouvement résonne encore dans nos profondeurs : « Des voix jamais entendues nous ont changés » disait Michel de Certeau. Et depuis, la « révolte antiautoritaire » a fait son chemin. Aucune institution n’a été épargnée : l’Etat, l’administration, l’école, l’entreprise, l’Eglise… Il est devenu heureusement difficile de contenir l’esprit critique, surtout lorsqu’on pense que le monde ne va pas tel qu’il est. De même, aujourd’hui, pour conduire son existence, qui ne tire pas profit de la forte aspiration à la liberté individuelle et à une vie personnelle, qui n’est pas réductible au narcissisme ou à l’individualisme consumériste dans lequel le système actuel veut nous enfermer ? Nous ne sommes plus militants comme autrefois, mais combien d’« utopies concrètes » ou de « révolutions minuscules » éclosent ! Reste une question aux mains de la jeune génération : comment mettre en adéquation les besoins individuels et les nécessités collectives ?

Il n’est donc pas si facile de désactiver la charge subversive de Mai 68 : « L’imagination reste au pouvoir ».